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Les hommes aussi sont blessés

Oui, les hommes ont été victimes et sont encore victimes

3 juin 2022

Quand nous faisons des cercles d'hommes, des stages entre hommes, que nous nous réunissons dans des espaces confidentiels et sécurisés, réservés aux hommes cela génère certaines peurs.

Cela fait peur à certains journalistes, à certaines femmes, à certains hommes, à ceux qui se disent "mais qu'est-ce qu'ils peuvent bien faire ces hommes ensemble".

Le fait qu'il y ait la confidentialité et que souvent, lors des initiations on ne puisse pas parler du contenu des stages pour garder la surprise pour les futurs participants créée un mystère qui génère tout un tas de projections, à la sauce franc-maçons, complot secret de dominants blancs qui s'entre-aident pour mieux conquérir le monde.

Je vais vous livrer une bien triste vérité :

Oui les hommes sont blessés.

Oui les hommes ont été blessés.

Oui les hommes ont souffert et souffrent aussi, souvent en silence, avec honte et culpabilité.

Ils souffrent seuls, isolés sans savoir avec qui en parler, comment le dire parce qu'ils ont peur d'être jugés, de tomber le masque et de montrer tous leurs trous, parce qu'il a souvent été attendu de nous que nous soyons forts, que nous tenions et que nous soyons en place et bien sûr, que nous ne pleurions pas.

Dans les stages auxquels j'ai participé j'ai vu de nombreux hommes blessés, défoncés, malheureux, tristes, souffrant. De leur famille, de leur éducation, de la violence de leur père, leur absence aussi, de la violence de leur mère et de tout ce que nous avons sacrifié en tant qu'hommes pour rentrer dans le moule du patriarcat.

Tout ce qui nous a été demandé de couper en nous, de censurer en nous pour devenir "des hommes", que l'on aime les hommes ou les femmes.

Ces stages permettent d'ouvrir cette porte, cette bouche, ces coeurs pour enfin dire, lâcher, partager tout ce que nous ne sommes pas et tout ce que nous avons pris sur nous, par choix ou par résilience pour correspondre à un modèle toxique qui ne nous convient pas et ne nous correspond pas.

Quand nous nous réunissons et que cela génère de la peur vue de l'extérieur, il y a une même peur de l'intérieur d'être mal vu, d'être mal compris, d'être encore jugés. Nous ne nous réunissons pas pour conquérir le monde, mais juste pour réparer nos mondes intérieurs, en commençant doucement par juste retirer les clous plantés dans nos histoires.

Oui les hommes ont été blessés. Oui les hommes souffrent. Oui certains hommes ont été victimes et sont encore victimes.

Et parfois, nous avons peur d'être encore et toujours vus comme des "dominants", des mâles (souvent blancs) et de cette présupposition que si nous nous voyons juste entre nous, c'est que forcément c'est louche.

Les hommes ont besoin de se retrouver entre eux pour partager tout cela, dans un espace sécurisé, parce qu'ils sont vulnérables et qu'ils ne peuvent pas tomber ces masques, exprimer ces souffrances en ayant peur que cela se retourne contre eux, qu'ils soient encore jugés, mal compris, mal interprétés.

Je dis souvent que ces espaces sont vitaux et nécessaires, ils l'ont été pour moi et le sont encore. Je chéris la bienveillance et l'engagement des hommes que j'accompagne et de ceux qui me soutiennent à chaque fois que je rentre dans un espace où je peux être moi, où j'ai le droit d'être moi : un homme sensible et imparfait, un homme vulnérable qui fait de son mieux avec ce qu'il est.

Ce passage me semble nécessaire pour tout homme en chemin et il ne me semble pas une finalité.

J'aime retourner vers les femmes et être avec les femmes après ces temps entre hommes.

Je dis souvent c'est déjà bien si ce travail sert à se guérir entre nous, mais je crois que nous aurons vraiment raté quelque chose s'il ne nous permet pas d'aller plus loin.

Je crois qu'une fois qu'on a libéré ce qui pouvait l'être entre nous et reconstruit ce qui a jadis été brisé, nous avons, comme les femmes et avec les femmes, une responsabilité de reconstruire notre société, les relations hommes-femmes et d'accompagner ensemble cette sortie du patriarcat et la redéfinition des valeurs et des relations dans cette nouvelle société dont les prémisses sont déjà là.

Pas chacun de son côté, mais ensemble. Avec chacun des espaces propres pour vivre entre personnes de même sexe ce qui a besoin de l'être et avec des espaces mixtes.

Ce n'est pas excluant ou contre l'autre, c'est juste une question de sécurité et de temps.

Je le redis pour que ce soit bien entendu : oui on peut être un homme et être ou avoir été victime, de violence physique, psychologique, sexuelle, que ce soit par les femmes ou par d'autres hommes.

Il y en a plein.

A nous de cheminer ensemble pour réconcilier, guérir, pacifier nos relations.