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Où sont les hommes?

les femmes bougent, et nous, on s'y met quand?

11 octobre 2022

En 2009 où j'ai commencé le "développement personnel", j'étais souvent le seul homme et très souvent le plus jeune. A chaque stage je comptais les hommes pour savoir si on était 3, 6 ou 7 sur 20, 30 ou 40 personnes.

Bien que ces espaces étaient mixtes, les femmes, de tous âges étaient toujours nombreuses, majoritaires dans ces espaces de corps, de parole, d'intériorité, d'émotions et de connaissance de soi.

Moi qui suis plutôt à l'aise avec les femmes, cela ne me dérangeait pas. C'était même plutôt agréable et réparateur d'être avec autant de femmes. J'étais le seul homme dans la conférence de Danièle Flamenbaum au Festival du Féminin en 2012, entouré de 120 femmes, je gérais la technique et j'ai bien senti que c'était un espace privilégié, en tant qu'homme d'assister à ces moments. J'étais bien et c'était bien.

Jusqu'au jour où j'ai participé à mon premier cercle d'homme où j'ai compris qu'il manquait quelque chose, qu'il me manquait quelque chose. A l'aise dans les espaces majoritairement féminins j'évitais la confrontation avec d'autres hommes.

Je dis confrontation car souvent, entre hommes, il y a la peur que ça dérape, qu'on ne soit pas d'accord et qu'en dernier recours, on se mette sur la gueule. Alors dans l'absolu ça pourrait arriver avec des femmes, mais bizarrement, cela ne m'a jamais paru comme un risque ou un danger. A contrario, des hommes que l'on amène dans des espaces sensibles, blessés, ça peut amener de la colère, de la rage, de la violence et des ruptures de cadre.

Souvent, cela ravive les traumas, les humiliations des bandes de garçons, d'ados, de mecs, de choix intérieurs de reniement ou d'appartenance :

"ils sont cons et leurs codes sont cons, mais si je veux faire partie de leur groupe, je dois faire avec et lisser un peu qui je suis"

"je ne suis pas d'accord avec leur truc, leur façon de faire, leur culturre, mais si je dis ce que j'en pense, je risque de me retrouver seul"

J'ai progressivement investi, découvert, habité, plongé dans ces cercles d'hommes et s'il y a parfois encore cette peur, ce risque potentiel quand je participe ou quand j'anime, que ça parte en sucette, je sais que dans le fond, tout le monde a envie d'aller vers l'amour et le partage plutôt que la violence. Du coup avec un bon cadre, je me sens protégé et chacun engagé en conscience à le respecter et à ne pas laisser le contrôle à ces forces blessées.

En évitant la confrontation, j'évitais aussi la rencontre. Avec eux, avec moi, avec ces endroits blessés, avec ma vérité.

La vérité c'est que souvent ces espaces étaient pour moi traumatisant, empreint de domination, de dévalorisation, de compète, d'humiliation, de moqueries permanente. Une bonne brochette de couillons, ou plutôt et plus simplement : la formation continue au patriarcat.

Je constate avec joie l'essor du féminin, des cercles de femmes, leur dynamique, leur force, leur multiplicité.

Et puis je regarde du côté des hommes et je me dis régulièrement : où sont les hommes?

Quand je sors des stages, à 10, 20 ou 50 hommes, je me dis mais quelle beauté. Quand on ouvre ces espaces de paroles sur nos sexualités, c'est comme si on ouvrait la boîte aux trésors interdites que nous avons longtemps attendu pour pouvoir enfin en parler simplement, partager sans avoir peur d'être jugé, pouvoir être nous, tout simplement.

Et quand je vois la joie, l'amour, les guérisons, la force que ces espaces me donnent et donnent aux hommes qui y sont, je me dis "mais c'est trop bien, tous les hommes devraient venir !" et à chaque fois que je sors de là je m'engage à le crier sur les toits que ça existe, que c'est vital de nous reconnecter entre hommes... que c'est beau, que c'est possible !

Et puis j'organise des cercles en ligne, des stages et là, c'est timide. Les hommes ont peur. Les hommes bougent peu. Et ça recommence à zéro, un par un, il faut rassurer, inviter, expliquer, mettre des mots, partager, témoigner. Qu'est-ce qu'on y fait? est-ce qu'on sera nu? Est-ce qu'on est obligé? Est-ce que c'est filmé? On sera combien? C'est qui les autres?

Il faut aller très lentement et très progressivement pour aider ces tortues à se dire que la carapace qu'elles ont sur le dos les empêche de bronzer.

Et je me reconnais moi-même comme une tortue, qui a un grand besoin de sécurité pour pouvoir tomber mon armure et m'ouvrir.

Alors quand j'organise un week-end et que je me dis que ça va être top et que je vois que ça ne bouge pas, qu'il n'y a pas d'inscrits, je doute, je suis en colère, je ne comprends pas, pourquoi d'un côté on souffre tant en silence et de l'autre quand il y a des espaces appropriés, ça ne répond pas, nous ne nous engageons pas.

Ce sont souvent les femmes qui poussent les hommes à y aller.

C'était une de mes grandes erreurs de communiquer principalement vers les hommes en pensant les toucher alors que très très très souvent, ce sont les femmes qui conseillent, recommandent et invitent les hommes à aller dans ces espaces entre hommes. Bizarre hein.

Et puis il y a ce Mycélihommes Reliance, ce cercle qu'on propose ce soir avec Mathieu Thomé & Benjamin Ries pour les hommes qui accompagnent les hommes et ils sont 21 inscrits. La plupart que je ne connais pas, qui viennent d'horizons différents, de parcours différents et qui accompagnent, facilitent ou ont envie d'accompagner les hommes et je me dis ah bah les voilà.

21 hommes pour offrir et multiplier ces espaces avec une multitude de propositions.

Cela ne nous garantira pas des cercles et des stages pleins à craquer, mais ce réveil soudain me donne espoir sur notre envie commune d'accompagner les hommes, de banaliser ces espaces, que ça devienne comme le permis de conduire, une formalité et une évidence.

Hier au tel, deux amis hors réseaux dev perso m'ont dit qu'ils allaient peut-être faire le MKP (initiation d'hommes qui existe depuis 30 ans) et je me dis tiens tiens, ça bouge.

Alors, tortues de tous les pays, unissons nous !

Lentement, doucement, mais avec engagement

Vive les dos bronzés...